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56 MEMOIRES DE PIERRE DE L'ESTOILE.
Le dimanche vingt-quatrième, l'archevêque de Lyon (l ) et l'ambassadeur d'Espagne passans devant le Palais, % où il y avoit une grande multitude de pauvres criant
à la faim (*), l'ambassadeur leur fit jetter un nombre de ces demi-sols (3) ; mais les pauvrefc n'en firent pas de cas, et lui dirent de ieur faire jetter du pain; qu'ils mouroient de faim, et que cet argent leur étoit inutile, ne trouvant rien à acheter pour manger.
L'archevêque de Lyon voyant que ce peuple refu-soit l'argent et ne demandoit que du pain, fut surpris, et courut aussi-tôt vers les officiers de police, leur remontrer qu'il étoit nécessaire de pourveoir à ce pauvre peuple. Et sur le champ ils firent crier à son de trompe que tous les curés, marguilliers des paroisses, les superieurs des couvens et communautés, eussent à se trouver le lendemain au Palais.
Le lundy vingt-cinquième jour de juin, fut de-
CO L'archevêque de Lyon ; Pierre d'Epinac On attribuoit son zèle pour la Ligue au désir qu'il avoit de devenir cardinal. — M Criant à Ia faim : On lit dans le Discours véritable et notable du siege de la ville de Paris : « C'étoit chose pitoyable de voir les pauvres défaillir et « tomber de foiblesse, se mourant peu à peu de faim dans les hôpi-m taux, sur les fumiers, et au milieu des ruës ; et tous communément, m tant à cause de la faim que de la mauvaise nourriture, devenoient « gros et enflez par tout le corps, comme hydropiques : spectacle qui « à la vérité émouvoit un chacun à telle compassion qu'il est impos* « sible d'exprimer. Bref, la nécessité étoit si extréme, qu'un chien ne « paroissoit pas si-tôt en ruë, que Ton ne courût avec lassets et cor-« dages pour le prendre, le faire cuire et le manger. Ce qui s'est fait • en plusieurs endroits de la ville publiquement ; et plusieurs ne se « nourrissoient que de chats qu'ils mangeoient en leurs maisons. » — (*). A/ombre de ces demi-sols : Mendoze avoit fait battre des demi-sols aux annes de Castille, sans que le duc de Nemours et le parlement sen plaignissent. Il les fit jeter au peuple, qui chanta d'abord les louanges de la Ligue et du roy d'Espagne ; mais comme on ne trouva pas de pain h acheter, on n'en fit bientôt plus de cas.
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